Débunkons le mythe de la marque authentique

Tout le monde semble vanter les mérites d'une communication et d'une marque authentiques. Mais qu'est-ce que ça veut vraiment dire? Est-ce réellement une bonne chose?

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marque authentique

Les gourous des rĂ©seaux disent qu’une marque authentique serait le Saint Graal de la communication. La rĂ©ponse Ă  tous les problĂšmes de marketing.

Mais moi, je ne me sens jamais aussi authentique que quand je fais ch!er les gens (il se murmure que je serais en réalité la réincarnation de Socrate). Me voilà donc qui entre sur le ring avec une question :

C’est quoi une marque authentique? đŸ€”

Et puis d’ailleurs, pendant qu’on y est:

C’est quoi, l’authenticitĂ©? đŸ˜”

Si j’en crois le Larousse, l’authenticitĂ© serait la qualitĂ© de ce qui est sincĂšre, parfaitement conforme Ă  la vĂ©ritĂ©.

On pourrait dĂ©battre pendant des heures de ce qu’est la vĂ©ritĂ©. Faute de rĂ©ponse satisfaisante, on devrait alors se rĂ©soudre Ă  l’idĂ©e qu’il y a autant de dĂ©finitions de « l’authenticité » qu’il y a de personnes pour y rĂ©flĂ©chir.

Je voudrais Ă©viter Ă  cet article de verser dans la dissertation de philo de 200 pages. Ou de se viander dans la conclusion de feignasse « chacun(e) est libre de penser ce qu’iel veut ».

Aussi, je vais partir du principe que nous savons tout ce qu’il y a Ă  savoir sur nous-mĂȘmes (la « vĂ©rité » de qui nous sommes), et me concentrer sur la question de l’expression de cette vĂ©ritĂ©: la sincĂ©ritĂ©, donc.

Une marque authentique… mais pas trop quand mĂȘme

Le petit moment coup de gueule

La création de marque authentique est un sujet propre à générer beaucoup de bullsh!t sentimental.

Généralement, quand je tombe sur ce genre de post, je lÚve les yeux au ciel et je passe à autre chose.

Il y a quelque temps, cependant, j’ai reçu dans ma boĂźte mail une goutte d’eau. Cette goutte m’a fait prendre conscience que j’avais en rĂ©alitĂ© entassĂ© tous ces posts dans un vase. Et d’un coup, le vase s’est mis Ă  dĂ©border.

Cette goutte d’eau a pris la forme d’une newsletter dont voici un extrait:

« Mais pour que soit unique, encore faut-il que tu laisses parler ta voix. N’essaye pas de te mettre dans un moule. N’essaye pas de faire de belles phrases qui finissent souvent par ĂȘtre trop lourdes. Sois toi. Montre tes particularitĂ©s, ta personnalitĂ©, ton originalitĂ©. »

L’authenticitĂ© Ă  la sauce internet

Au cas oĂč tu ne verrais pas le problĂšme avec cet extrait, voici le point prĂ©cis qui me fait tiquer:

La personne nous dit qu’il faut « ĂȘtre nous-mĂȘme » dans une phrase…


 mais dans la suivante, elle nous dicte littĂ©ralement ce qu’il faut faire ou pas pour « ĂȘtre nous-mĂȘme ».

N’essaie pas te mettre dans un moule. Sois originale. Sois toi-mĂȘme (c’est un ordre!)

D’un autre cĂŽtĂ©:

Oulala, attention Ă  tes phrases, il ne faudrait surtout pas qu’on puisse penser que tu es une personne


  • guindĂ©e
  • intello
  • old-school

SĂ©rieusement, on est Ă  quel niveau d’hypocrisie, lĂ ? đŸ€š

Soyons clair(e)s: ce n’est pas d’authenticitĂ© dont il est question ici, mais de conformitĂ© Ă  un standard Instagrammesque. Nuance.

Les contradictions de la marque authentique

Si on te dit de faire attention Ă  la longueur et Ă  la lourdeur de tes phrases, c’est normal. Personne sur les rĂ©seaux sociaux, ne veut lire du Proust.

Si on te dit de te conformer aux attentes (du moins jusqu’Ă  un certain point), c’est normal aussi. C’est le principe du marketing.

Tout ça, c’est normal.

Ce qui l’est moins, c’est de faire passer ça pour de l' »authenticité ».

Je suis fermement convaincue qu’il est possible d’exprimer son individualitĂ© dans sa communication. En cela, on peut effectivement parler de « marque authentique ».

Cependant, je crois Ă©galement qu’il est nĂ©cessaire de savoir faire des compromis pour mieux servir les intĂ©rĂȘts de son audience. En cela, il n’y a pas de bonne marque authentique Ă  100% (et donc « authentique » tout court).

Toute communication implique de prendre en compte les intĂ©rĂȘts respectifs des partis engagĂ©s.

Chaque personne engagĂ©e dans le processus doit trouver un Ă©quilibre entre…

  • les idĂ©es qu’elle veut avancer
  • les idĂ©es que son interlocutrice veut ou ne veut pas recevoir

Si chacun(e) Ă©tait authentique en permanence avec tout le monde, quel enfer ça serait! đŸ˜±

Les deux aspects ne sont pas incompatibles, mais il faut ĂȘtre conscient(e) que leur cohabitation entraĂźne des frictions.

L’illusion de l’authenticitĂ© est plus sexy que la vraie

La parabole de l’insupportable amie Facebook

La marketteuse Nikki Clark a elle aussi traitĂ© de la question de l’authenticitĂ© en personal branding dans une newsletter. Pour le coup, j’ai trouvĂ© son point de vue particuliĂšrement intĂ©ressant. 🧐

On a tou(te)s cette amie Facebook dépressive qui déteste sa vie et te le fait savoir à tout bout de champ:

  • Elle dĂ©teste le printemps Ă  cause de son allergie au pollen.
  • Elle dĂ©teste le chien de la voisine qui pisse sur ses rosiers.
  • Elle dĂ©teste quand son compagnon laisse traĂźner ses chaussettes sales.

Etc, etc.

Lorsqu’elle se plaint de sa vie dans les moindres dĂ©tails, cette personne est aussi authentique qu’il est possible de l’ĂȘtre.

Et aprĂšs?

Voudrais-tu ĂȘtre ami(e) avec cette personne?

Voudrais-tu te payer les prestations de service qu’elle propose?

Ma main à couper que non. ✋

En tant qu’entrepreneuse, cette personne serait trĂšs dĂ©savantagĂ©e par rapport Ă  un(e) concurrent(e) dĂ©goulinant d’enthousiasme et de professionnalisme par tous les pores…

Que cette image soit fake ou non.

Pilule bleue ou pilule rouge?

Pour Nikki Clark, la vĂ©ritable authenticitĂ© n’a rien Ă  faire dans une relation professionnelle. L’idĂ©e, c’est de sĂ©lectionner les aspects de notre personnalitĂ© que l’on veut mettre en avant, et de taire les autres. En gros, il s’agit de projeter ce qu’il y a de meilleur en nous, pas de tout projeter sans distinction.

Dit comme ça, ça paraßt évident, non?

Et pourtant, il me semble que beaucoup d’entrepreneur(e)s ont du mal Ă  ĂȘtre en paix avec cette idĂ©e, et son corollaire marketing:

Les client(e)s ne veulent pas l’authenticitĂ©. Ils/elles veulent l’illusion de l’authenticitĂ©.

La newsletter que je t’ai prĂ©sentĂ©e au dĂ©but (comme tant d’autres contenus) fait l’amalgame entre les deux.

Sois une marque authentique et tais-toi

Elle ne donne pas de pistes pour concilier la personne que tu es et la personne que tu veux projeter. A la place, elle part du principe que ces 2 facettes de toi sont confondues.

Tu dois ĂȘtre toi ET faire des phrases simples…

Le sous-entendu étant que tu seras de toute façon parfaitement toi si tu simplifies toutes tes phrases.

En y rĂ©flĂ©chissant, on est un peu dans le mĂȘme dĂ©lire que les magazines fĂ©minins qui, Ă  la page 10, t’ordonnent de t’assumer telle que tu es, maaaaais qui, en mĂȘme temps, Ă  la page 11, t’encouragent Ă  prĂ©parer activement ton bikini body, histoire d’ĂȘtre prĂ©sentable (donc « authentiquement toi-mĂȘme ») sur la plage.

ArrĂȘtons de tourner autour du pot: l’idĂ©e qu’on essaie de te vendre dans les deux cas, c’est que ta vĂ©ritĂ© doit ĂȘtre instagrammable au naturel, et que si jamais ce n’est pas le cas, et ben…

« Que fais-tu donc Ă  vouloir t’afficher sur les rĂ©seaux sociaux, espĂšce de grosse baleine snob? » 🙄

Et ça, tu vois, c’est prĂ©cisĂ©ment ce qui me fait tiquer.

Objection!

Je me fous que mon ventre ne soit pas parfaitement plat. Par contre, il y a un truc dont je me fous beaucoup moins: la façon dont le contenu que je crée est reçu.

Et il se trouve que je passe beaucoup plus de temps Ă  relire mes textes pour les rendre digestes qu’Ă  les extraire spontanĂ©ment de ma tĂȘte. đŸ„Ž

Quand je modifie un titre d’article pour qu’il donne davantage envie de cliquer, je m’Ă©loigne de ce que MOI je voulais pour faire un pas en direction de mon audience.

Pareil quand je coupe une digression que je trouve intĂ©ressante mais qui nuit Ă  la clartĂ© de mon propos. Ou quand je m’oblige Ă  rajouter des sous-titres pour rendre mes articles plus faciles Ă  lire.

Parfois, j’accepte de procĂ©der Ă  ces corrections de bon grĂ©. Dans ce cas-lĂ , j’ai effectivement l’impression d’ĂȘtre une personne authentique.

D’autres fois, je maudis mes plugins d’aide au SEO et leur sens implacable de l’optimisation. Je m’interroge:

Suis-je encore fidĂšle Ă  moi-mĂȘme lorsque je retire une mĂ©taphore d’un titre pour aider Google Ă  mieux comprendre?

A chaque fois, je sacrifie un peu de mon authenticitĂ© pour apporter davantage de valeur aux personnes qui me lisent. A l’arrivĂ©e, les contenus que je produis sont spĂ©cifiquement formattĂ©s pour ĂȘtre consommĂ©s par un certain public, dans un certain contexte.

Ils sont trĂšs diffĂ©rents de ce que j’aurais Ă©crit dans un journal intime. En cela, que je le veuille ou non, ils ne sont pas authentiques Ă  proprement parler.

La leçon de marketing de Superstore

Personne ne peut échapper aux masques

Quand tu te montres de façon « authentique » sur Instagram, par dĂ©finition, tu te montres. Donc tu te mets en scĂšne. Donc forcĂ©ment, tu n’es jamais pleinement authentique. Et de toute façon, soyons franc(he)s: mĂȘme si tu l’Ă©tais, qui ça intĂ©resserait? 😏

Personnellement, cette idĂ©e me semble aller de soi. Peut-ĂȘtre parce que j’ai l’habitude d’aborder les problĂ©matiques de communication avec un regard de traductrice, et que la traduction est un art de la trahison.

Mais bon, faut pas non plus avoir un bac + 25 pour se rendre compte que tu n’es pas exactement la mĂȘme personne selon le public auquel tu t’adresses.

Si c’Ă©tait le cas, tu te comporterais exactement de la mĂȘme façon avec ta/ton petit(e) ami(e) qu’avec un(e) inconnu(e), avec tout ce que ça implique d’attitudes dĂ©placĂ©es.

Je te l’accorde, certain(e)s le font. Beaucoup d’hommes se permettent de le faire avec des femmes qu’ils ne connaissent pas, par exemple. Mais ce n’est pas exactement ce que j’appelerais un modĂšle Ă  suivre. đŸ˜€

Dans le mĂȘme ordre d’idĂ©e, la personne que l’on donne Ă  voir sur les rĂ©seaux ne sera jamais celle que nos proches peuvent voir


Pourtant, c’est limite honteux de le reconnaĂźtre ouvertement. 😅

L’art et la maniĂšre de vendre de la sauce

La sĂ©rie humoristique Superstore a dĂ©diĂ© un Ă©pisode entier Ă  ce grand tabou du marketing. Et c’est tellement riche d’enseignement qu’il me faut absolument t’en parler.

Dans l’Ă©pisode dont il est question, Amy, le personnage jouĂ© par America Ferrera, est chargĂ©e de vendre de la sauce mexicaine dans le supermarchĂ© oĂč elle travaille.

© NBC

En dĂ©pit d’une plastique qui trahit ses origines honduriennes, Amy se considĂšre comme une citoyenne des Etats-Unis Ă  part entiĂšre.

Et malgrĂ© les pressions de son supĂ©rieur et de ses collĂšgues, elle se refuse Ă  endosser le rĂŽle de la Mexicaine campagnarde bien clichĂ©, qu’elle juge stĂ©rĂ©otypĂ© et raciste.

Du moins, elle refuse au dĂ©but. Parce que voyant que personne ne s’intĂ©resse Ă  son stand, elle finit par se coiffer d’un sombrero et faire le show avec un accent hispanique plus vrai que nature…

Bien qu’inventĂ© de toutes piĂšces.

RĂ©sultat? Ca fonctionne. Les clients du supermarchĂ© s’agglutinent en masse autour d’Amy et de son « authenticité » flamboyante.

On lui demande si cette sauce qu’Amy vend est la mĂȘme que sa famille fabrique, dans son « village natal ». Oui? J’achĂšte!

Il est de bon ton de prescrire aux gens une communication authentique. Et, oui, moi-mĂȘme je le recommande.

Pour une raison toute simple: je veux éviter aux gens de finir comme Vincent Macario.

Sans une marque authentique, point de salut?

Pour ta culture personnelle, comme ce nom ne te dit probablement pas grand-chose, voici les 2 savoureuses vidĂ©os qui m’ont initiĂ©e Ă  ce sombre personnage, et Ă  son fail de personal branding monumental :

Loin de moi l’idĂ©e de salir le nom de qui ce soit
 bien Ă©videmment
 Oublions donc Vincent et disons juste que dans l’hypothĂšse oĂč une personne se trouverait ĂȘtre un pervers narcissique mĂ©galomane, ce serait une mauvaise idĂ©e de construire toute sa marque sur une image de mĂšre ThĂ©rĂ©sa.

Construire une image de marque sur du flan, c’est la quasi-garantie de faire un bide. Si la mise en scĂšne d’Amy dans Superstore a fonctionnĂ©, c’est parce qu’elle avait, de base, les Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires Ă  sa rĂ©ussite:

D’une part, le physique de l’emploi, de l’autre, les connaissances culturelles nĂ©cessaires Ă  l’interprĂ©tation de son rĂŽle.

Si on avait donnĂ© le rĂŽle Ă  son collĂšgue Jonah, un jeune WASP blanc comme un c^l, la sauce (mexicaine) n’aurait jamais pris


Marque authentique et désillusion

Par contre, ce qu’on oublie gĂ©nĂ©ralement de te dire, c’est que, de mĂȘme qu’un diamant brut ne dĂ©chaĂźne pas les passions avant qu’il ne soit taillĂ© et montĂ© sur un bijou (et markettĂ© comme un symbole d’amour Ă©ternel), l’authenticitĂ© brute n’est pas vendeuse.

Je sais que c’est dur Ă  admettre, mais les gens n’achĂštent qu’Ă  des personnes / marques qu’ils trouvent hors du commun, pour une raison ou pour une autre. đŸ€©

A moins d’ĂȘtre une superstar / une Youtubeuse connue (auquel cas, tu deviens une marque qui donne automatiquement de la valeur Ă  tout ce qu’elle touche), personne ne s’intĂ©resserait Ă  un vlog portant sur le contenu de ton frigo.

(Sauf, Ă©videmment, si ton frigo contient des restes de corps humain
 auquel cas, tu vas sans doute buzzer, mais probablement pas d’une façon qui te rendrait service)

© STUDIOCANAL France

Une marque authentique fait vendre (surtout si elle ne l’est pas vraiment?)

Quand je dis « hors du commun », je ne veux pas dire « cotĂ©e en bourse », ou « testĂ©e et approuvĂ©e par les plus grandes stars d’Hollywood », ou je ne sais quoi.

Je veux plutĂŽt dire « qui a une certaine intensitĂ© informationnelle tout en ayant l’air parfaitement plausible ».

Et comme jsuis gentille, je t’ai prĂ©vu un exemple pour illustrer.

Comment faire rentrer 4 éléphants dans une voiture?

Disons qu’il existe, quelque part au fin fond des Etats-Unis, une ville qui aurait choisi d’Ă©lire un chat au poste de maire
 et qui l’aurait maintenu Ă  ce poste pendant 20 ans. đŸ±â€đŸ

Ici, on a ce qu’on pourrait qualifier d’intensitĂ© informationnelle.

C’est le mĂȘme principe qu’une blague:

Tu prends deux concepts / informations qui n’ont rien Ă  voir entre elles (du style, un maire et un chat) et tu fais surgir une connexion (ou une nouvelle information) par la juxtaposition des deux.

AprÚs, dans le cas présent, il manque quelque chose: le sentiment de la vérité.

De mĂȘme qu’on sait bien qu’il serait parfaitement absurde, dans la rĂ©alitĂ©, de vouloir faire rentrer 4 Ă©lĂ©phants dans une voiture en en mettant 2 devant et 2 derriĂšre, on sait bien qu’un chat ne peut pas ĂȘtre maire.

N’est-ce pas
?

Et pourtant, crois le ou non, mais ce chat-maire a bel et bien existĂ©. Il s’agit donc d’une information 100% vĂ©ridique
 mais qui, pourtant, n’a pas l’air d’ĂȘtre vraie.

Comme ça n’a pas l’air crĂ©dible, ce serait dur d’en faire une histoire (un scĂ©nario de film, par exemple). Voyant l’affiche, les gens se diraient probablement: « mouais, bof, encore un film pour enfants un peu zarbi ».

Réalité et fiction

Quand Mark Twain nous dit que la rĂ©alitĂ© est plus Ă©trange que la fiction, c’est prĂ©cisĂ©ment ça qu’il veut dire.

Pour qu’une histoire fonctionne, elle doit donner l’illusion de la rĂ©alitĂ©.

Pour que la rĂ©alitĂ© fonctionne, par contre, elle doit avoir
 rien du tout, en fait. La rĂ©alitĂ© impose ses propres rĂšgles. Contrairement Ă  la fiction, elle n’a que faire des contraintes de vraisemblance ou de crĂ©dibilitĂ©. đŸ€˜

Si je te parle de ça maintenant, c’est parce que ça illustre parfaitement le problĂšme de l’authenticitĂ©.

L’authenticitĂ© en tant que conformitĂ© absolue Ă  la rĂ©alitĂ© fonctionne rarement: on trouve que « ça sonne faux ».

Pour (se) vendre, on est donc obligĂ©(e)s de fabriquer une rĂ©alitĂ© alternative (un rĂ©cit) qui ait l’air Ă  la fois plus excitante (plus « intense ») et plus rĂ©elle que la vraie. Comme Amy et son sombrero. ✹

Tout l’enjeu est donc de savoir quel genre de rĂ©alitĂ© notre audience attend de nous.

Authenticité et crédibilité

Nous avons toutes et tous une certaine conception de ce qu’est (ou plutĂŽt ce que devrait ĂȘtre) la rĂ©alitĂ©. Cette conception est la norme qui nous permet d’Ă©valuer si telle ou telle information ou histoire est plausible, et donc susceptible de relever du domaine de la vĂ©ritĂ©.

Quand nous achetons quelque chose, nous achetons une validation de cette conception. C’est ce que font les clients du magasin Cloud 9 qui se ruent sur les pots de sauce dĂšs lors qu’on leur confirme qu’elle est « authentique » (quoi que ça veuille dire).

Personne ne veut acheter quelque chose qui sonne « faux ». Et les cas oĂč la rĂ©alitĂ© sonne faux sont bien plus nombreux qu’on ne pourrait le croire.

Si ta marque est basĂ©e sur l’empathie et l’altruisme, par exemple, ces qualitĂ©s peuvent et doivent ĂȘtre montrĂ©es sans rĂ©serve, jusqu’Ă  la caricature.

Il se peut qu’une part de toi soit un minimum Ă©goĂŻste (du moins je l’espĂšre pour toi!), mais si tu dĂ©cides soudain d’afficher publiquement cette facette, ça va entrer en conflit avec l’image que ton audience avait de toi
 et du coup, ça va coincer. 😬

La seule façon ne pas trahir qui que ce soit, dans cette situation, serait d’avoir Ă©tabli au prĂ©alable des amitiĂ©s solides avec chacune des personnes constituant notre audience, de telle sorte qu’elles nous perçoivent comme un ĂȘtre humain complexe plutĂŽt que comme une marque.

Sauf que ça, ben
 ça relĂšve de l’utopie.

L’authenticitĂ© n’est pas (ou ne devrait pas ĂȘtre) ta prĂ©occupation numĂ©ro 1 quand tu parles Ă  un prospect ou un(e) client(e)

Et c’est lĂ  qu’entre en scĂšne toute une floppĂ©e d’entrepreneuses sentimentales s’Ă©criant en chƓur:

Mais enfin, je suis la BFF de toutes les personnes qui me suivent sur les réseaux! Promis juré craché, on est super potes, on se souhaite bon anniversaire par DM!

Si c’est ton cas, tu ne vas pas aimer ce que je m’apprĂȘte Ă  te dire


Petit a)

Tu outrepasses ton rĂŽle d’entrepreneur(e), qui est de vendre un certain produit ou service Ă  un certain public.

OK, tu fais ce que tu veux, mais clairement, je ne voudrais pas ĂȘtre Ă  ta place le jour oĂč tes clientes chĂ©ries d’amour te lĂącheront pour un(e) concurrent(e) plus efficace, moins cher, ou juste plus Ă  la mode


Parce que oui, ça peut toujours arriver. Au cas oĂč tu aurais jusque lĂ  vĂ©cu dans le monde des Bisounours, permets-moi de te souhaiter officiellement la bienvenue dans le monde rĂ©el.

Petit b)

A moins d’avoir l’occasion de cultiver tes liens affectifs avec ton audience en dehors de tout contexte professionnel, dĂ©solĂ©e de te l’apprendre, mais il n’y a rien de parfaitement pur ou « authentique » dans ces relations.

Quand on gĂšre une autoentreprise Ă  son nom, on a vite fait de l’oublier, mais il y a une diffĂ©rence fondamentale entre la/le toi que tu es quand tu parles en ton nom propre, et la personne que tu es quand tu reprĂ©sentes ton entreprise.

Que tu sois Ă  ton compte ou sous les ordres de quelqu’un, lorsque tu parles Ă  un(e) client(e) / prospect, l’enjeu est le mĂȘme: donner une image positive de l’entreprise que tu reprĂ©sentes. Si tu Ă©choues, c’est l’entreprise que tu reprĂ©sentes qui prend un coup.

La ligne

Dans les deux cas, quoi que tu en penses, tu n’es pas libre de tes paroles. Et ça, ça change tout.

Une amitiĂ© n’a de sens que parce qu’on la choisit sans aucune arriĂšre-pensĂ©e et qu’on se sent libre de la poursuivre ou de la suspendre Ă  tout moment. Si ces conditions ne sont pas remplies, au mieux, c’est de la camaraderie.

Tu ne peux pas envoyer ch!er ta plus grosse cliente comme tu le ferais avec n’importe quel couillon, et tu ne peux pas non plus lui dire que tu es au bord du suicide parce que ton entreprise est dans le rouge depuis 10 ans et que tous tes anciens clients ont portĂ© plainte contre toi pour harcĂšlement sexuel et/ou escroquerie. (ouf, cette phrase Ă©tait beaucoup trop longue)

Je sais que la ligne entre privĂ© et pro a tendance Ă  se brouiller, notamment quand on commence Ă  parler de ses enfants ou de son chat pour illustrer son propos. (Pour ce qui est du chat, je plaide coupable!) đŸ˜»

Mais ça ne veut pas dire que cette ligne n’existe pas.

Bien sĂ»r que c’est possible, et mĂȘme souhaitable, d’avoir des relations de travail agrĂ©ables avec les personnes desquelles notre revenu dĂ©pend (ou pourrait Ă©ventuellement dĂ©pendre).

Bien sûr que tu peux plaisanter et parler de choses pas forcément liées au boulot avec ces personnes.

Et puis tant qu’Ă  faire, ce serait bien aussi que tu n’aies pas Ă  leur mentir ouvertement ou Ă  te faire passer pour quelqu’un que tu n’es pas. â™Ș(Ž▜)

Ce que je voudrais qu’on admette une bonne fois pour toutes, en revanche, c’est que quand il est question d’argent et d’image de marque (d’entrepreneuriat, quoi) l’authenticitĂ© vĂ©ritable n’existe pas (mais qu’il n’y a pas de quoi en faire tout en plat).

Marque authentique ou pas?

La fonction du (personal) branding, et par extension, du marketing, n’est ni de crĂ©er une image trompeuse, ni d’ĂȘtre le reflet fidĂšle de qui tu es.

Ton image de marque est un sommaire (ou un best-of) de qui tu es. Sa fonction est de crĂ©er un compromis qui va braquer les projecteurs sur les meilleurs atouts de ta marque, afin que les personnes avec qui tu communiques voient exactement ce qu’elles sont censĂ©es voir.

S’exprimer et agir selon un plan de communication, du moment que le branding a Ă©tĂ© pensĂ© en tenant compte de la (ou des) personne qui le reprĂ©sente, ce n’est pas mentir. ☜(ïŸŸăƒźïŸŸâ˜œ)

Mais contrairement Ă  ce qu’on laisse souvent entendre, ce n’est pas non plus une base appropriĂ©e sur laquelle construire une amitiĂ© sincĂšre et dĂ©sintĂ©ressĂ©e. Pour ça, il faut de la vĂ©ritable authenticitĂ© des 2 cĂŽtĂ©s.

Or, arrivĂ© Ă  ce stade de l’article, si j’ai bien fait mon taf, tu devrais normalement avoir compris pourquoi je pense que l’authenticitĂ© sans compromission est incompatible avec l’entrepreneuriat.

Je te souhaite de cultiver une forme d’authenticitĂ©, oui. Mais pas celle qui t’amĂšnerait Ă  nĂ©gliger l’importance de ton personal branding.

Je te souhaite d’ĂȘtre authentique d’une façon mature et rĂ©flĂ©chie, qui serve Ă  la fois tes intentions profondes et tes valeurs de marque. đŸ€“

C’est seulement ainsi que tu pourras mettre ton business au service du monde tout en respectant ta nature profonde.

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  • Hello Alicia, super intĂ©ressant Ă  lire cet article ! Je ne partage pas ton point de vue sur tout, mais c’est un sujet et un dĂ©bat intĂ©ressant Ă  dĂ©velopper.

    Il est vrai que l’authenticitĂ© est quelque chose de beaucoup mis en avant (notamment sur Instagram). L’authenticitĂ© est Ă  mon sens un point important, mais comme tu as pu l’amener Ă  plusieurs reprises, ĂȘtre 100% authentique n’est pas toujours possible. Je pense que c’est un Ă©quilibre Ă  trouver.

    De mon point de vue dans mon entreprise, ĂȘtre authentique c’est ĂȘtre droite dans mes bottes et Ă  l’aise avec ma communication. Je ne suis pas vraiment pour la manipulation et l’illusion d’une vĂ©ritĂ© fausse, toutefois, mĂȘme en y rĂ©flĂ©chissant, qui n’a jamais manipulĂ© (en cherchant au delĂ  du domaine professionnel). C’est un sujet qui fait dĂ©bat.

    Et comme j’ai pu dire, mĂȘme si je ne suis pas forcĂ©ment d’accord sur certains points (encore heureux sinon ça serait triste que tout le monde pense la mĂȘme chose), je suis d’accord avec toi sur le principe que l’authenticitĂ© dans une entreprise Ă  parfois ses limites.

    En tout cas, merci pour ton article que j’ai pris plaisir Ă  lire et qui m’amĂšne aussi Ă  dĂ©velopper ma vision et perception de ce qu’est l’authenticitĂ©.

    • Coucou Charlotte, merci beaucoup pour ton retour ! Ca fait plaisir de voir qu’on peut encore ĂȘtre en dĂ©saccord, au moins partiellement, sans en venir aux insultes haha x) si en plus ça peut donner matiĂšre Ă  rĂ©flĂ©chir, jackpot, je considĂšre que ma mission est remplie ^^ Mon intention n’Ă©tait Ă©videmment pas de critiquer le fait d’ĂȘtre « droit dans ses bottes », loin de lĂ  (j’espĂšre donc que tu ne l’as pas pris dans ce sens-lĂ  !!), mais plutĂŽt d’identifier et de dĂ©construire l’espĂšce de gloubi-boulga Ă©motionnel trompeur qu’on a collĂ© sur le concept d’authenticitĂ©. Si tu repasses dans le coin, ça m’intĂ©resserait de savoir plus prĂ©cisĂ©ment sur quels points ton avis diffĂšre du mien ;)

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